Texte à résumer, format CNC, CCINP, E3A (2) (Thème: le travail)
“Très tôt, la psychologie du travail (et la psychologie en général) s’est intéressée à la relation d’autorité. On peut comprendre que cette notion, centrale dans toute activité collective, ait été considérée comme particulièrement importante dans le contexte du travail en entreprise. Les notions en rapport avec l’autorité méritent quelques précisions : on entendra par pouvoir la capacité d’un individu d’influencer les conduites d’un autre individu, on parlera d’autorité à propos d’un pouvoir « reconnu » par ceux sur lesquels il s’exerce – ainsi parce que le chef est estimé, qu’il s’impose naturellement par ses compétences, par son charisme (ou par sa « personnalité » comme on dit dans le langage courant), en vertu d’une tradition à laquelle on adhère – ou encore parce que le chef jouit d’un pouvoir institutionnalisé, défini par des règles de fonctionnement acceptées ou imposées aux membres d’un groupe. En français, on désigne souvent par leadership ( !) une manière efficace d’exercer l’autorité. En fait, dans la littérature anglo-saxonne, cette notion de leadership recouvre tous les aspects liés au commandement dans les organisations. Ce terme sera utilisé ici dans ce sens très général. Comme pour beaucoup de questions ayant trait à l’efficacité des conduites (ici le fait qu’il existerait des chefs efficaces et d’autres qui ne le seraient pas), la psychologie s’est d’abord interrogée sur la possibilité d’expliquer ces différences par des caractéristiques de personnalité, pour s’apercevoir qu’une des clés essentielles résidait dans la manière d’être, de se comporter, plutôt que dans le fait de posséder tel ou tel trait de personnalité. Ce faisant, s’introduisait la notion de style de leadership et s’ouvrait la voie à la possibilité d’une formation au leadership « efficace ». Historiquement, deux types de thèses se sont affrontés. D’un côté, les thèses dites « universalistes » ; de l’autre, les théories « contingentes ». Les premières prétendent qu’il existe une « seule bonne manière » d’exercer l’autorité. Parmi les tenants historiques de cette position, on trouve K. Lewin et ses disciples qui montrèrent que le style démocratique primait le style autoritaire et le style laisser-faire. Toujours dans cette perspective, Blake et Mouton prônèrent les vertus d’un style dit « participation-consensus ». Ces auteurs ont proposé un modèle dans lequel le comportement du chef est caractérisé par l’attention que ce dernier apporte, d’une part, à la production, et, d’autre part, à la satisfaction des besoins des hommes. Pour eux, le style idéal serait celui qui maximise l’attention portée sur ces deux dimensions (alors qu’en général les cadres privilégieraient l’une des deux dimensions ou rechercheraient un compromis entre les deux). Ces approches se fondent sur une représentation des besoins et des attentes du subordonné (autonomie, développement personnel, reconnaissance, participation aux décisions, etc.) et recommandent l’adoption d’un style d’encadrement qui tienne compte de ces besoins. Elles répercutent les résultats d’un ensemble de recherches sur la psychologie individuelle (entre autres sur les motivations), sur les groupes, sur la relation d’influence, sur l’écoute, etc.
Les théories contingentes partent de l’idée qu’il n’existerait pas de style de leadership idéal, convenant à tous les cas, et que l’apport de la psychologie des organisations dans ce domaine est de clarifier la contingence entre la situation et le style de leadership « préférable ». Ainsi, Fiedler a montré que, selon que les relations entre supérieur et subordonnés sont bonnes ou mauvaises, que les tâches sont clairement définies ou non, que l’organisation donne au chef des moyens d’exercer de l’autorité ou non, soit un style d’encadrement autoritaire s’avérerait plus efficace, soit ce serait le style de type démocratique qui serait meilleur (le style autoritaire serait plus efficace dans les conditions extrêmes définies par des réponses positives ou négatives pour les trois caractéristiques citées ; en revanche, pour les situations intermédiaires, un style démocratique serait préférable – l’efficacité étant jugée ici en termes de performance). D’autres modèles mettent en avant la nécessité de tenir compte des caractéristiques des subordonnés pour déterminer le style de commandement à adopter. Ainsi, Hersey et Blanchard, dans leur « théorie du cycle de vie », défendent l’idée que le « chef » doit s’adapter à la « maturité » du subordonné. Le concept de maturité amalgame des notions comme la motivation, la compétence, l’adhésion aux valeurs de l’organisation. Pour ces auteurs, à mesure que la maturité du subordonné augmenterait, un style de leadership différent devrait être adopté. On passerait par quatre styles successifs : a) un style qui, à maturité faible, met peu l’accent sur les aspects liés au développement et besoins personnels et beaucoup sur les aspects de tâche (par exemple, en début de carrière du subordonné) ; b) un style qui progressivement porte plus d’attention aux aspects personnels, tout en restant vigilant sur les aspects de production ; c) un style qui relâche l’attention sur les aspects de production mais tout en conservant une présence pour les questions de besoins personnels ; d) enfin, avec les subordonnés atteignant les niveaux de maturité les plus élevés, un style qui relâche l’attention sur les deux dimensions (dans une sorte de style laisser-faire, qui laisse la bride sur le cou d’un collaborateur en qui l’on peut avoir confiance et, notons-le en passant, qui serait « arrivé » à ses besoins d’autoactualisation dans la pyramide des besoins décrite par Maslow !).”
Guy KARNAS, Psychologie du travail, éd. Presses universitaires de France, Paris 2018, p-p. 41-42