Espace-CPGERésumé/dissertation

Texte à résumer, format CNC, CCINP, E3A (3) (Thème: le travail)

« La question du post-taylorisme, c’est aussi de demander ce qui fonde la valeur du travail aujourd’hui.

Une façon de tenter de trouver des pistes de réponse à cette question est de se demander ce qu’est devenue la séparation entre les tâches de conception et d’exécution, dualité qui se trouve au cœur de l’œuvre de Frederic Winston Taylor (Taylor, 1967).

Dans le cadre de la mondialisation de la concurrence, la réactivité exigerait ainsi de redonner, au moins en partie, les tâches de conception aux exécutants. Cependant il existe une autre façon de poser la question. Qu’est devenu le contrôle du sujet dans l’entreprise tout comme le contrôle social avec ce nouveau modèle d’organisation ? Si les contremaîtres n’existent plus, si les opérateurs se déterminent seuls, cela signifie-t-il pour  autant qu’il n’y a plus de contrôle dans l’entreprise ? Cela signifie-t-il pour autant que la conception taylorienne du contrôle des sujets est aujourd’hui dépassée. Il nous semble, au contraire, que si le contrôle s’est déplacé à l’extérieur des frontières officielles de l’entreprise, pour s’incarner dans la figure du client, devenu l’apparence du maître tout puissant des opérateurs autonomes, ce déplacement n’invalide pas pour autant la conception taylorienne du contrôle.

Cette démonstration vise à explorer cette hypothèse et ses conséquences en termes de projet de société “ post-taylorienne ”. Mais revenons tout d’abord aux catégories originelles bien connues du modèle taylorien, c’est-à-dire au concept d’organisation scientifique du travail. L’O.S.T. nous indique l’existence de deux “ hiérarchies ” : – L’une, “ verticale ”, repose sur la dissociation de la conception et de l’exécution et consiste à confier à des acteurs distincts les tâches de conception et d’exécution. Les tâches de conception s’appliquent à modéliser, par référence à des savoirs spécifiques, l’architecture des tâches d’exécution. – L’autre, “ horizontale ”, consiste à articuler les tâches ainsi conçues dans un processus mécaniste dont la concrétisation a été qualifiée, dans le fordisme, de “ chaîne ”, chaque exécutant voyant sa responsabilité réduite à l’exécution du geste associé à la tâche dans le respect du rythme de la chaîne en contrepartie d’une rémunération dont le pouvoir d’achat permette d’acquérir les biens ainsi produits.

Dans les termes actuels, l’ouvrier “ spécialisé ” ainsi nommé se voit réduit à une position “ d’automate ”. Frederic W. Taylor vient en fait relire le thème de la division du travail, achevant en quelque sorte la formulation d’un projet qui va venir confirmer la dimension véritablement politique de l’entreprise dans sa vocation à la contribution au « vivre bien », construction commencée par Adam Smith et relue par Karl Marx. Adam Smith faisait de la division du travail un acte politique fondateur du marché : la division du travail vient susciter corrélativement l’échange dans un jeu gagnant – gagnant du fait de la quantité accrue de biens échangeables. Rappelons aussi que David Ricardo fera la transcription de cet aspect là sur le plan de l’échange international en en retournant la proposition, l’échange venant en retour susciter la division du travail – internationale cette fois – dans un même jeu gagnant – gagnant. Division du travail et échange font donc système. Cet acte politique se caractérise par la substitution du marché à la cité et une mutation du contenu apporté au « juste » dans ce nouveau contexte. Il fonde le projet d’une Economie Politique que, de façon dialectique, toujours à partir de la division du travail, Karl Marx viendra renverser avec le projet d’une Politique Economique qui, prenant acte d’une division du travail séparant la société en classes (bourgeois et prolétaires), conduira  à une nouvelle réflexion sur la cité juste, celle du communisme d’abondance venant bénéficier des effets économiques de la division du travail. Rappelons ici l’aspect déstructurant de cette division du travail conduisant à un prolétariat dont la classe ouvrière va constituer « l’élite » et la conscience politique mais à défaut de laquelle le prolétariat est proche du concept de masse. Rappelons encore qu’aussi bien chez Adam Smith que chez Karl Marx, la théorie de la valeur travail vient donner un fondement « objectif » à la valeur économique des biens produits, la valeur de ces biens dépendant en effet de la quantité de travail qui y est incorporée. Frederic W. Taylor, pour sa part, viendra compléter le parcours en réduisant le thème de la division du travail à l’entreprise, marquant ainsi le fondement de l’organisation au lieu de celui du marché. C’est le projet taylorien qui offre une issue à la logique marxiste de la surproduction du superflu, en ouvrant la porte à la régulation fordienne où production de masse et consommation de masse viennent à leur tour faire système puis, du fait de l’essoufflement de son entropie vertueuse, à la régulation libérale qui marque ainsi la quasi reconnaissance de la dimension politique de l’activité d’entreprise. Cette régulation fordienne se caractérise par une forme de réalisation de la valeur travail puisqu’à la rémunération des ouvriers correspond le pouvoir d’achat qui leur permet d’acquérir les biens produits. Non seulement le thème de la division du travail se trouve ainsi interprété par ces trois auteurs mais aussi celui de la valeur travail. Depuis la chute du communisme en 1989, c’est la figuration taylorienne qui semble avoir été la plus représentative dans les réalisations effectives. »

Yvon Pesqueux, Du taylorisme au post-taylorisme : pour une déconstruction de la transversalité

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