Espace-CPGERésumé/dissertation

Texte à résumer, format CNC, CCINP, E3A (2).

« Veux-tu maintenant que nous examinions ensemble de quelle manière nous formerons des hommes de ce caractère, et comment nous les ferons passer des ténèbres à la lumière, comme on dit que quelques-uns ont passé des enfers au séjour des dieux ?

Faut-il demander si je le veux ?

Ceci n’est pas chose facile, comme au jeu un tour de palet ; il s’agit d’imprimer à l’âme un mouvement qui, du jour ténébreux qui l’environne, l’élève jusqu’à la vraie lumière de l’être, par la route que nous appellerons pour cela la véritable philosophie. Ainsi il faut chercher quelle est, parmi les sciences, celle qui est propre à produire cet effet.

Hé bien, mon cher Glaucon, quelle est la science qui élève l’âme de ce qui naît vers ce qui est ? En même temps que je te fais cette question, je me rappelle une chose : n’avons-nous pas dit que nos philosophes devaient, dans la jeunesse, s’exercer au métier des armes ?

Il faut donc que la science que nous cherchons, outre ce premier avantage, en ait encore un autre.

Celui de n’être point inutile à des guerriers. Assurément il le faut, si la chose est possible. N’avons-nous pas déjà admis la gymnastique et la musique dans notre système d’éducation ?

Mais la gymnastique a pour objet ce qui naît, se développe et périt, puisque sa juridiction porte sur ce qui peut augmenter ou diminuer les forces du corps.

Elle n’est donc pas la science que nous cherchons.

Serait-ce la musique telle que nous l’avons envisagée plus haut ?

 Mais, s’il t’en souvient, ce n’était qu’une sorte de pendant de la gymnastique, dans un genre opposé. C’est elle, disions[1]nous, qui doit régler les habitudes des guerriers, en communiquant à leur âme non pas une science, mais un certain accord par le sentiment de l’harmonie, et une certaine régularité de mouvements par l’influence du rythme et de la mesure ; elle emploie dans un but semblable les discours soit vrais soit fabuleux ; mais je n’ai point vu qu’elle enseignât ce que tu cherches, la science du bien.

Tu me rappelles exactement ce que nous avons dit : la musique en effet ne nous a paru enseigner rien de semblable. Mais, mon cher Glaucon, où donc rencontrer cette science du bien ? Tu n’as rien trouvé que d’ignoble dans tous les arts mécaniques : n’est-ce pas ?

Oui, mais si nous écartons la musique, la gymnastique et les arts, quelle autre science peut-il rester encore ? Si nous ne trouvons plus rien hors de là, prenons quelque science qui s’étende à tout universellement.

Celle qui est si commune, dont tous les arts, toutes les industries et toutes les sciences font usage, et que tout homme a besoin d’apprendre des premières.

 Qu’apprend-elle ?

Ce que c’est qu’un, deux, trois, connaissance vulgaire et facile. Je l’appelle en général science des nombres et du calcul : n’est-il pas vrai qu’aucun art, aucune science ne peut s’en passer ?

Ni l’art militaire par conséquent.

Elle lui est absolument nécessaire.

En vérité, Palamède, dans les tragédies, nous représente toujours Agamemnon comme un plaisant général. N’as-tu pas remarqué qu’il prétend avoir, à l’aide des nombres qu’il avait inventés, distribué les troupes dans le camp devant Troie, et fait le dénombrement des vaisseaux et de tout le reste, comme si avant lui rien de tout cela n’eût encore été compté, et qu’Agamemnon ne sût pas même combien il avait de pieds, puisqu’à l’en croire il ne savait pas compter ? Quel général serait-ce là, je te prie ?

Un bien singulier, si la chose était vraie.

Ne convenons-nous pas que la science des nombres et du calcul est absolument nécessaire au guerrier ?

Certainement elle lui est indispensable, s’il veut entendre quelque chose à l’ordonnance d’une armée, ou plutôt s’il veut être homme.

 Maintenant admets-tu la même idée que moi au sujet de cette science ?

Quelle idée ?

Cette science pourrait bien se trouver être une de ces choses que nous cherchons, et qui élèvent l’âme à la pure intelligence et l’amènent à la contemplation de l’être ; mais personne ne sait s’en servir comme il faut.«

PLATON, « La République » P.p. 337-340

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