Texte à résumer dans l’esprit de CNC, CCINP et E3A (02)(Thème: Expériences de la nature)

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Texte :
« La civilisation industrielle est fille d’un mode de pensée qui, non content de faire de l’homme la créature centrale de la planète, l’a porté à s’en croire le despote.
La première de ces motivations est un incontestable mépris, avoué ou inconscient, à l’égard de ce qui n’est pas sorti de l’esprit et de la main de l’homme. À l’origine, nous partagions équitablement la biosphère avec les animaux, étant comme eux soumis à ses contraintes. Nos ancêtres en tiraient leur subsistance, mais en subissaient les lois. La nature était leur mère autant que leur ennemie, ce qui provoqua sans nul doute déjà des réactions agressives de leur part.
À l’aube du néolithique, les choses ont changé. Jusque-là tributaires de la chasse et de la cueillette, les hommes purent enfin s’affranchir peu à peu de collectes incertaines. Les espèces animales domestiquées, les plantes bien ordonnées dans les champs leur procuraient des ressources de plus en plus sûres, en dépit des fluctuations encore énormes de récoltes étroitement soumises aux vicissitudes du climat. Au cours des millénaires, les rendements augmentèrent ; de nouveaux fruits vinrent s’ajouter à ceux déjà offerts ; les techniques se perfectionnèrent, s’adaptant à chaque climat et à chaque terroir. Peu à peu apparut une division fondamentale entre deux portions de la surface terrestre : les champs et les prairies sortis de la main de l’homme ; et les zones demeurées dans un état proche des conditions naturelles. Il se créa ainsi peu à peu une anthroposphère* artificielle, de plus en plus indépendante du vaste ensemble primitif que l’homme avait trouvé à son arrivée sur terre. Cette anthroposphère, fille de la technologie, devint progressivement le principal cadre de vie et la source de la majeure partie des productions utiles à l’homme. Bientôt elle prit même l’allure d’une technosphère, ce qu’elle est aujourd’hui. L’homme moderne vit dans un univers de béton, d’acier et de bitume ; il se nourrit des produits de champs et de pâtures exploités selon les principes d’une agronomie. Les forêts seules conservent une allure naturelle en échappant en partie à ses commandements. Et seules les mers sont encore l’objet d’une simple exploitation de leurs productions naturelles, bien que les engins de pêche soient maintenant bien plus perfectionnés que jadis.
Par ailleurs, dans les sociétés modernes, les hommes vivent en nombre croissant d’activités exclusivement industrielles. Ce mouvement, depuis longtemps perceptible en Angleterre et aux États-Unis, affecte maintenant les pays de longue tradition agricole, la France et l’Italie notamment. Il y eu peu d’années, sur cent Français, trente-huit vivaient du champ ; ils ne sont plus que dix et cette proportion va encore diminuer de sensible manière. L’homme abandonne le secteur primaire pour le secondaire, puis même pour le tertiaire à mesure que l’industrie s’automatise et que l’économie se complique. Il vit en ville, et de la ville, de l’usine et du bureau. Dans les pays à forte densité de population, même ce qu’il est convenu d’appeler la « campagne » porte une forte empreinte humaine. En participant à la civilisation industrielle, les hommes sont ainsi de plus en plus enfermés dans un univers imaginé et créé par leur propre génie. Entre biosphère et technosphère, la césure est en apparence complète.
Depuis longtemps, l’homme a tendance à ne contempler que lui-même. La possession d’un cerveau bien organisé et de beau volume, des facultés intellectuelles sans rivales et la possibilité d’échafauder des concepts abstraits en les ordonnant en raisonnements ont fait que la noosphère a, elle aussi, rapidement supplanté la biosphère. Les hommes eux-mêmes, avec
leur art et leurs idées, sont le principal, voire l’unique objet de réflexion de la plupart d’entre eux. Étant donné la nature de l’homme et la prééminence de l’esprit, une telle attitude serait en quelque sorte normale, si elle n’avait pas entraîné un désintérêt pour le reste du monde. La biosphère paraît encore capable d’inspirer les poètes et les peintres, comme elle anime nos vacances : une habile propagande nous persuade de retourner « aux sources ». Mais elle prend aussi les apparences d’une chose inutile, voire d’une vieillerie. Elle ne semble plus nous apporter ce dont nous avons le plus urgent besoin ; elle n’est même plus vraiment le cadre de nos loisirs. Elle paraît même nuisible, car elle héberge encore des êtres malfaisants : des moustiques au voisinage des stations touristiques, et des germes infectant les plantes cultivées dans les champs les mieux tenus. Elle passe toujours pour farouchement hostile : on parle d’« alpe homicide », car c’est la montagne qui tue les malheureux ascensionnistes, jamais victimes de leurs propres imprudences. »
* Notre planète se compose tout d’abord d’une lithosphère, sa croûte solide et inerte, d’une hydrosphère, composée des océans et des autres eaux libres et de l’atmosphère gazeuse qui l’entoure. Elle a été colonisée par la biosphère, constituée par l’ensemble des êtres vivants. L’homme est né de celle-ci, mais peu à peu, grâce à son génie et à son travail, a construit une anthroposphère, en se séparant du reste de la terre. À mesure que ses techniques se perfectionnaient, il a cru qu’il pouvait s’isoler complètement au sein d’une technosphère, créée par lui avec ses lois propres. Il convient d’ajouter la noosphère, le domaine spécifiquement humain de l’esprit et de la pensée.




