Synthèse de lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2024-2025, thème: individu et communauté, autour de l’axe : « La famille comme forme de communauté ».

La communauté revêt plusieurs formes. Elle peut, entre autres, être politique ou religieuse comme elle peut être représentée par la famille. Celle-ci est, évidemment, la première communauté qui accueille l’individu et façonne sa personnalité. C’est justement dans son rapport à l’individu que nous allons examiner la famille comme forme de communauté. Il s’agit, particulièrement, de montrer le rôle fondamental de l’individu dans la formation de la communauté. Traité théologico-politique de Baruch Spinoza Dans Traité théologico-politique, la famille se fonde autour d’un chef. Pratiquement, le chef de la tribu est choisi parmi les Anciens de chaque famille : « chaque tribu était divisée en familles dont les chefs étaient choisi parmi les Anciens de la famille, que le plus âgé de ces Anciens prenait de droit la place de chef de la tribu. » (p. 120) C’est dire que le plus âgé des individus d’une famille est éligible et peut occuper le statut de chef de la tribu qui revient au plus âgé des Anciens de toutes les familles. Ainsi, la famille et à une échelle plus large la tribu se structurent autour du plus anciens de ses membres d’où le rôle essentiel que joue l’individu dans la formation de la famille et de la tribu comme formes de communauté. Les Suppliantes d’Eschyle Nous venons de voir, dans Traité théologico-politique de Spinoza, que l’individu se veut un élément central dans la formation de la famille et de la tribu comme formes de communauté. La pièce intitulée Suppliantes d’Eschyle, elle, ne sort pas de ce cadre. En effet, c’est surtout autour du père que se structure la communauté formée des cinquante jeunes filles qui ont fui la tyrannie d’Egyptos. Pratiquement, c’est lui qui prend les grandes décisions cruciales : c’est lui qui a décidé de quitter l’Egypte et d’aller demander l’asile aux Argiens comme en rend compte ce propos du Chœur : « Danaos, notre père, qui inspire nos desseins et guide notre troupe, a pesé les raisons, et il s’est décidé pour le malheur le plus glorieux, qui était de fuir en toute hâte à travers les flots salés et d’aborder à la terre d’Argos, d’où notre race s’honore de tirer son origine. » (P. 93) Cet exemple montre bien la place importante qu’occupe l’individu, ici Danaos, dans la communauté des suppliantes et ce en remplissant la fonction de guide et de chef qui intervient dans les moments décisifs et fait les choix fondamentaux. Le dernier élément du propos du Chœur, met l’accent sur les origines communes des suppliantes et des Argiens : « d’aborder à la terre d’Argos, d’où notre race s’honore de tirer son origine. », est for révélateur dans la mesure où il permet de justifier le choix d’Argos comme cité d’accueil. En fait, dans un long échange entre le Coryphée et le roi d’Argos, le premier reconstitue la généalogie de sa famille de manière à démontrer, preuve à l’appui, l’origine commune de cette dernière et des Argiens : « Mon discours sera bref et net : nous avons l’honneur d’être de race argienne ; nous sommes le sang de cette génisse qui fut mère d’un noble fils. Voilà la vérité ; je la confirmerai par des preuves. » (P. 102) En fait, la génisse dont il est question dans la réplique du Coryphée n’est autre qu’Io, la gardienne du temple d’Héra en Argos, qui a été changée en génisse par la déesse Héra après avoir découvert ses aventures avec Zeus. Cette métamorphose n’a pas empêché ce dernier de s’unir à Io après s’être transformé lui-même en taureau. De cette union de la simple mortelle Io et du dieu des dieux Zeus est né l’ancêtre des Libyens et des Argiens à savoir Épaphos. Suite au discours du Coryphée, le roi reconnaît ladite origine commune comme il l’exprime dans ces termes : « il me semble bien en effet que d’antiques liens vous rattachent à ce pays. » (P. 106) Conséquemment, c’est l’appartenance à une origine commune, le fait de descendre d’un père commun qui légitime cette demande d’asile aux Argiens. C’est ce lien de parenté entre Libyens et Argiens qui a mené les premiers aux portes d’Argos. Disons, somme toute, que c’est ce lien de sang unissant les deux peuples qui permettra à la communauté des suppliantes d’obtenir le droit d’asile à Argos et donc d’être sauvée des menaces des Égyptiens. En un mot, le lien de parenté est ici moyen de conservation de la communauté. L’on peut ajouter, dans ce même ordre d’idée, que ce qui constitue un ciment liant les membres de la communauté des suppliantes en tant que famille c’est le malheur qui les frappe toutes et qui de ce fait leur est commun et qui n’est autre que le mariage que leur impose Égyptos et les condamne à l’exil. Le Temps de l’innocence d’Edith Wharton La place centrale qu’occupe l’individu dans la famille n’est pas moins présente dans le roman d’Edith Wharton. En effet, le personnage qui joue un rôle on ne peut plus important dans le maintien de la famille comme forme de communauté est celui de Catherine Mingott, laquelle fait office de « matriarche de la famille » des Mingott. Il s’agit d’une femme d’un courage sans bornes comme nous le remarquons dans la présentation qu’en fait le narrateur dans ces termes : « Archer n’ignorait pourtant pas que Mrs. Mingott, la matriarche de la famille, avait l’habitude de pousser son audace jusqu’aux dernières limites. Il avait toujours admiré cette vieille dame hautaine et autoritaire. » (P. 30) L’on voit bien, à travers cette présentation, que Catherine Mingott est une femme de caractère, une femme forte qui suscite l’admiration de Newland Archer. C’est justement de ce caractère que vont hériter les futures femmes de la famille comme le trahit à juste titre l’exemple suivant : « il (Archer) vit que Mrs. Welland et sa belle-sœur faisaient face aux critiques de la salle avec l’aplomb que la vieille Catherine avait inculqué à toute sa tribu. » (P. 32) Ainsi, en transmettant cette confiance en soi, qui lui est propre, aux autres femmes de sa famille, Catherine Mingott participe à forger la personnalité de ces dernières. C’est dire, en un mot, que la place importante qu’occupe le personnage de Catherine Mingott dans la famille réside dans le fait de maintenir, dans celle-ci, une certaine forme de caractère qu’est n’est autre que la sienne propre.

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Radouane EL AMRAOUI

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