Texte à résumer (5), format CNC, CCINP, E3A, Thème: Individu et Communauté.
« Si les hommes vivaient sous la conduite de la raison, chacun utiliserait son droit naturel de faire tout ce qui est en son pouvoir sans dommage pour personne. Chacun étant vertueux, il n’aurait pas besoin d’Etat pour diriger ni de lois et de police pour les contraindre. Tant que les hommes seront soumis à leurs passions, il sera nécessaire qu’ils renoncent à leur droit naturel et qu’ils acceptent d’obéir à des lois politiques et à un pouvoir extérieur par la menace de sanctions. Nul en effet ne renonce à un bien que pour échapper à un mal plus grand. Il faut d’ailleurs noter que la faute et l’injustice n’existent pas dans la nature, mais seulement dans une société régie par des lois. Dans la nature, en effet, tout est juste et la faute n’existe pas, pas plus d’ailleurs que le péché. Chacun fait nécessairement ce que sa nature le conduit à faire, selon un stricte nécessité, sans aucun libre arbitre, d’une manière parfaite.
Ce qu’on appelle la faute et l’injustice ne sont donc rien d’autre que des obéissances toutes relatives à des lois humaines instituées pour limiter le désordre social dû au conflit entre les hommes naturellement soumis aux passions.
De la même façon, le mérite et la justice ne sont rien d’autre qu’une obéissance aux lois qui permettent la concorde dans une société donnée. Si les hommes étaient vertueux, ils seraient spontanément justes par la seule force d’âme sans avoir besoin de lois ni de pouvoir politique pour les y obliger.
Le régime politique des hommes libres est donc la démocratie participative directe, parce que ce régime fondé sur la recherche de l’unanimité par le dialogue de tous avec tous est de tous celui qui s’approche de l’anarchie hiérarchique propre à la nature. L’anarchie est en effet l’état naturel de la société humaine, et par anarchie il ne faut pas entendre l’absence d’ordre, mais seulement l’absence d’Etat (c’est-à-dire de pouvoir politique supérieur et séparé de la puissance de tous les sujets d’une société), c’est-à-dire le maximum de liberté sociale de chacun. Dans le cas où les hommes sont régis par leurs passions, l’anarchie engendre naturellement le chaos et la violence. Mais dans le cas où les hommes sont gouvernés par la raison, elle engendre la concorde et l’harmonie, en leur faisant préférer naturellement la paix à la guerre, l’amitié à la discorde, le commerce au vol ou encore la science à la superstition. De plus dans une société de citoyens raisonnables, le droit de chacun à la liberté de vivre comme il l’entend serait également spontanément respecté, puisque chacun serait naturellement ami de tous les autres. Enfin l’ordre naturel qui distingue les êtres en fonction de leur valeur ne pourrait dans une société qu’être juste en accordant à chacun la place qui lui revient en fonction de son degré de sagesse et de ses compétences, conformément à la hiérarchie naturelle.
Bien que les hommes soient toujours au moins un peu raisonnables, les sociétés sont depuis longtemps et pour longtemps encore sans doute majoritairement passionnelles. C’est donc dans ce cadre que nous devons aujourd’hui philosopher et chercher à nous libérer de nos passions. Bien qu’il soit défavorable au développement de la raison, l’état actuel des sociétés humaines n’empêche pas pour autant la réalisation de soi. En effet, ce n’est pas en nous coupant de l’énergie des autres humains que nous pouvons développer notre raison, notre liberté et notre bonheur. C’est au contraire en apprenant à canaliser tout ce qu’il ya de positif dans notre affectivité et celle des autres que nous pouvons nous libérer de la servitude. L’éthique invite donc à développer la démocratie et la philosophie partout où c’est nécessaire pour renforcer la vertu de chacun vers toujours plus d’amour, de raison et de liberté. »
D’après Bruno Giuliani.