Texte à résumer, format CNC, CCINP, E3A, Thème: Individu et Communauté.
« Une multitude d’hommes devient une seule personne quand ces hommes sont représentés par un seul homme, ou une seule personne, de telle sorte que ce soit fait avec le consentement de chaque homme de cette multitude en particulier. Car c’est l’unité du représentant, non l’unité du représenté qui fait une la personne, et c’est le représentant qui tient le rôle de la personne, et il ne tient le rôle que d’une seule personne. L’unité dans une multitude ne peut pas être comprise autrement.
Et parce que naturellement la multitude n’est pas une, mais multiple, les hommes de cette multitude ne doivent pas être entendus comme un seul auteur, mais comme de multiples auteurs de tout ce que leur représentant dit ou fait en leur nom; chacun donnant au représentant commun une autorité [qui vient] de lui-même en particulier, et reconnaissant comme siennes toutes les actions que le représentant fait, au cas où ils lui ont donné autorité sans restriction. Autrement, quand ils le restreignent dans l’objet pour lequel il les représentera, et qu’ils lui indiquent les limites de la représentation, aucun d’eux ne reconnaît comme sien ce qui est au-delà de la délégation d’autorité qu’ils lui ont donnée pour être l’acteur.
Et si le représentant se compose de plusieurs hommes, la voix du plus grand nombre doit être considérée comme la voix de tous ces hommes. Car si le plus petit nombre, par exemple, se prononce pour l’affirmative, et le plus grand nombre pour la négative, il y aura plus de votes négatifs qu’il ne faut pour annuler les votes affirmatifs. Par là, le surplus de votes négatifs, qui demeure sans opposition, est la seule voix du représentant.
Et un représentant composé d’un nombre pair [d’individus], surtout quand ce nombre n’est pas important, et que, à cause de cela, les voix opposées sont souvent en nombre égal, est souvent muet et incapable d’agir. Cependant, dans certains cas, des voix opposées en nombre égal peuvent trancher une question : quand il s’agit de condamner ou d’acquitter, l’égalité des voix, en cela même qu’elle ne condamne pas, acquitte, et non pas condamne, en ce qu’elle n’acquitte pas. Car quand la cause est entendue, ne pas condamner est acquitter ; mais, au contraire, dire que ne pas acquitter est condamner n’est pas vrai. Il en va de même quand on délibère pour savoir si l’on exécute quelque chose tout de suite ou si on reporte cette exécution à une autre date, car quand les voix sont égales, le non-décret d’exécution est un décret d’ajournement.
Ou si le nombre est impair, comme trois hommes, trois assemblées, ou davantage, et que chacun a autorité, par une voix négative, d’annuler l’effet de toutes les voix affirmatives des autres, ce nombre n’est pas un représentant. Par la diversité des opinions et des intérêts des hommes, ce représentant devient fréquemment, et dans des situations de la plus grande importance, une personne muette et incapable, comme pour de nombreuses autres choses, de gouverner une multitude, surtout en temps de guerre. »
D’après Léviathan de Thomas Hobbes.