Consigne :
Vous résumerez le texte suivant en 100 mots avec un écart de 10% en plus ou en moins. Vous indiquerez par une barre chaque vingtaine de mots.
« Oui, nous sommes devenus des demi-dieux ; ce que le magicien avait rêvé de faire, le savant l’accomplit. La présomption de l’alchimiste est dépassée par les conquêtes du laboratoire ; et nos enfants ne sont même plus surpris de gouverner les ondes secrètes du monde en tournant un bouton.
On pourrait donc attendre de l’homme, devant la brusque accélération de ses conquêtes et l’énormité de ses nouveaux pouvoirs, une crise d’orgueil et une confiance démesurée dans ses chances. Or ce n’est pas ce qui se produit, du moins dans les consciences les mieux cultivées et les plus lucides. Au contraire, il semble que l’on assiste, chez les penseurs de l’Occident, à une liquidation du mythe du Progrès. […]
Rien, ni dans le rythme et les choix de sa marche, ni dans la fin de son aventure, n’est garanti pour le salut de la caravane humaine ; elle a ses chances d’arriver, mais elle mourra peut-être dans les sables ou sous les eaux, par ses erreurs ou par accident. Soumis à la double inconstance, féconde et périlleuse, de la liberté et du hasard, nous nous découvrons vivant et agissant dans le risque, servis ou menacés par les forces aveugles comme nous le sommes par nos actes mêmes.
Il faut bien dire que cette incertitude fière et anxieuse devant l’histoire n’est pas neuve ; plutôt primitive et normale. L’homme est un animal qui se souvient et prévoit ; parce qu’il se souvient, il est naturel qu’il songe et qu’il regrette ; parce qu’il prévoit, il est nécessaire qu’il craigne et qu’il espère. C’est d’ailleurs parce qu’il a une mémoire qu’il peut user d’une raison prospective: c’est parce que le passé redevient présent à sa conscience qu’en extrapolant il attend le futur et possède une notion du temps. S’il ne vivait consciemment que le présent, il serait comme une absurde série d’éternités disloquées où il ne trouverait ni le sentiment de l’unité de sa personne, ni les conditions d’une pensée cohérente, active et créatrice. Ainsi les Grecs ont-ils voulu qu’Epiméthée, l’homme de l’en-arrière, et Prométhée, l’homme de l’en-avant, fussent frères : la réflexion de l’esprit ne peut naître que de leur dialogue.
Cependant, il est frappant que Prométhée, en tendant vers la connaissance et la possession de l’avenir sa volonté pensante, a irrité Jupiter, et s’est exposé à la morsure du vautour. C’est que, par une disposition habituelle, l’homme a eu toujours le sentiment que son passé lui appartenait. Il a respecté mais non vénéré les historiens qui le lui racontaient et les poètes qui l’ornaient de leurs inventions ; mais il lui a fallu beaucoup de temps pour comprendre qu’il était maître aussi de son futur ; il a cru d’abord celui-ci chargé d’ombres et de menaces, propriété des puissances mystérieuses qui conduisent le monde, en somme domaine des dieux, et il ne l’a pas regardé sans le frisson du sacré ; les prophètes qui le lui révélaient, il les a crus inspirés par le ciel ; pour les mages, pour les sorciers et les devins qui tentaient par quelque lecture des astres ou quelques rites magiques d’en percer les secrets, il a eu la frayeur révérencieuse due à ceux qui transgressent les interdits.
Je ne prétends pas avoir présente à l’esprit l’histoire universelle, mais le peu que j’en sais me donne à penser que tous les peuples ont eu d’abord peur de l’avenir. Le seul avenir certain étant la mort, ils ont assemblé des pierres ou gravé des tables de bronze pour que quelque chose d’eux restât sur la terre où ils savaient qu’un jour ils seraient poudre ; et ils ont inventé des mythes et des croyances pour s’imaginer vivants au-delà même de ce néant. Ce que leur espèce, dans sa permanence, pouvait attendre de futur, ils l’ont considéré dans une défiance qui devenait souvent effroi. »
Pierre-Henri SIMON, Ce que je crois, (1966)
Proposition de résumé:
Nous sommes exceptionnels grâce à notre essor pourtant démythifié. Notre délivrance est incertaine : nous sommes libres et indépendants.
La perplexité/ humaine face à l’histoire remonte à longtemps : l’homme est historique : son passé est regrettable et son futur angoissant/. Du reste, la chronologique le conscientise du futur ; elle le dote d’équilibre et de créativité d’où la complémentarité/ entre Épiméthée et Prométhée. Toutefois, la maîtrise du futur est passible de punition. L’homme possède son passé, cependant, sa/ maîtrise du futur a mis du temps pour transparaître.
Je crois que le rapport de l’homme au futur est/ marqué par la peur découlant de sa mort certaine.
109 mots.
Résumé proposé par Radouane ELAMRAOUI.