Lecture comparative des trois œuvres au programme autour de l’axe: Le travail: torture ou plaisir? Avec un traitement progressif de l’axe en question et des commentaires de citations.

Axe : Le travail : torture ou plaisir ? Conformément à son étymologie latine, Tripalium, le travail est entendu comme activité marquée par la torture. Ce qui, loin de là, n’est pas faux et ce dans la mesure où, d’une part, le travail comme déploiement d’un effort physique ne se fait pas sans souffrance, et de l’autre, la nature du travail et ses conditions ne peuvent pas ne pas avoir d’effets sur la psyché du travailleur qui doit, peu ou prou, en pâtir. Toutefois, dire que le travail n’est que supplice, c’est le présenter sous un jour défavorable en n’en considérant que l’aspect négatif. Cela nous amène à introduire l’aspect positif du travail et qui est justement le corollaire de son pendant négatif : il s’agit de la création. Ainsi, s’il est vrai que le travail est torture, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est torture productive, créative. Prendre en considération cette seconde dimension du travail, la création, permet de réhabiliter le travail en le sauvant d’une vision étriquée le réduisant à une torture gratuite et stérile. En bref, le travail est torture créative et partant il faut souffrir pour produire. Cependant, le travail n’est pas que souffrance ou encore souffrance créatrice, il peut constituer, au-delà de la torture, une activité agréable, un moment de plaisir. Compte tenu du susmentionné, trois axes structureront la présente synthèse de lecture comparative des œuvres au programme: d’abord, le travail comme torture, ensuite, le travail comme souffrance créative, enfin le travail comme source de plaisir. Sous-axe I : Le travail comme torture. Les Géorgiques de Virgile Le travail est une tâche doublement pénible comme nous l’explique Virgile dans ces termes : « Deux fois leur ombrage menace les vignes ; deux fois les herbes étouffent la récolte de leurs épaisses broussailles : dur labeur de part et d’autre.» (P.97) C’est dire que le viticulteur est confronté à un travail double ici : débarrasser les vignes des branches et de la végétation touffue étouffant lesdites vignes et nuisant à leur production. Cela constitue, pour l’agriculteur, « un dur labeur » : cette expression met en évidence l’idée selon laquelle le travail est torture et ce dans la mesure où elle insiste sur le caractère trop difficile du travail en qualifiant le nom « labeur » signifiant dur travail par l’adjectif « dur ». Ce recours au pléonasme consistant à reprendre la dureté du travail contenue dans le sémantisme du nom « labeur » par l’épithète « dur » est une façon de confirmer la pénibilité de la tâche entreprise ici par le laboureur. Nous pouvons également citer dans ce même ordre d’idées : « Il faut encore couper dans la forêt les branches épineuses du houx, et sur ses rives le roseau fluvial ; et il y a les pénibles soins que demande la saulaie inculte. » (P. 97) Dans ce propos, la souffrance due au travail agricole vient de justement du caractère cumulatif de ce dernier qui est manifeste dans la suite des activités à accomplir par l’agriculteur : en plus des tâches précitées (voir la citation ci-dessus), il est appelé à couper les « branches épineuses… le roseau fluvial … » et à prodiguer des soins à la saulaie. À ce caractère cumulatif du travail s’ajoute sa dureté dont rend compte l’adjectif « pénibles ». Ces termes dans lesquels est posé le thème du travail ici relèvent du champ lexical de la dureté, chose qui permet d’associer le travail à la souffrance voire à la torture. Si le travail est rattaché à la souffrance de par sa pénibilité et son caractère cumulatif, comme nous venons de le voir, il convient de noter également que la souffrance en question s’inscrit dans la continuité comme le souligne à juste titre Virgile ainsi : « Maintenant le vigneron, au bout de ses rangées, chante la fin de ses peines. Pourtant il lui faut encore tourmenter la terre, la réduire en poussière… » (P. 97) Le caractère continu du travail est mis en évidence par l’usage de l’adverbe « encore » dans « il lui faut encore tourmenter la terre » qui souligne la persistance de la souffrance causée par le travail, et qui reprise dans le propos ci-contre par le nom pluriel « peines ». La souffrance au travail revêt aussi un autre visage, elle se veut autant psychique qu’elle est physique. Lisons à ce propos cet extrait de l’œuvre virgilienne : « Et cependant, en dépit de tout ce mal que les hommes se sont donné pour retourner la terre, ils ont encore à craindre l’oie vorace… » (P. 45) Le travail comme souffrance s’affiche ici à travers l’emploi du mot « mal » pour évoquer la douleur physique consubstantielle au travail. Toutefois, le fait de « craindre l’oie vorace… » rend le travail angoissant en ce que les laboureur ressente une peur anticipée, appréhension, par rapport à l’aboutissement de leur travail qui se voit menacé par l’oie vorace, laquelle risque de faire échouer tout le travail effectué par lesdits laboureurs. L’on peut lire aussi en relation avec cet aspect du thème à savoir : le travail comme torture ceci : « Le Père des dieux lui-même a voulu rendre la culture des champs difficile, et c’est lui qui la premier a fait un art de remuer la terre, en aiguisant par les soucis les cœurs des hommes et en ne souffrant pas que son empire s’engourdît dans une triste indolence. Avant Jupiter, point de colon qui domptât les guérets…» (P. 45) D’après le propos ci-dessus, la dureté du travail de la terre qui en fait une forme de torture est l’expression d’une volonté divine comme en témoigne l’utilisation du verbe « vouloir » ainsi que de l’adjectif « difficile » dans : « Le Père des dieux a voulu rendre la culture des champs difficile » En outre, le fait même de créer le travail et d’en faire une activité pénible s’explique par deux raisons : d’une part, la création d’un travail dur est une façon de punir les mortels par Jupiter après avoir été berné par Prométhée (l’épisode du sacrifice) (comme l’indique la préposition « avant » dans « avant Jupiter » qui réfère à la période de l’âge d’or sous le règne de Saturne où les dieux et les humains vivaient ensemble sans distinction aucune jusqu’au moment où Prométhée a volé le feu au dieux et l’a donné aux humains). Le travail comme punition divine marque aussi la fin de l’âge d’or comme âge sans travail et le passage à l’âge d’argent où l’homme est condamné à travailler (ici la terre) pour se maintenir en vie. D’autre part, Jupiter a créé le travail et l’a caractérisé par la pénibilité pour soustraire les mortels à la mollesse et à la paresse comme le souligne le propos suivant : « en aiguisant par les soucis les cœurs des hommes et en ne souffrant pas que son empire s’engourdît dans une triste indolence. » mettant l’accent sur le caractère insupportable de la fainéantise que le dieu en question abhorre. Pour tout dire, Jupiter crée le travail comme tâche pénible d’un côté pour punir les mortels et marquer ainsi le passage, sur le plan historique, de l’âge d’or à celui d’argent et de l’autre inciter les humains à l’activisme, au dynamisme en les soustrayant à la paresse. La Condition ouvrière de Simone Weil L’idée selon laquelle le travail est souffrance du corps traverse l’œuvre de Simone WEIL de bout en bout. Elle y transparaît dès ses premières lettres où elle réitère, d’emblée, ses excuses suite aux retards répétitifs desdites lettres. Retards qu’elle justifie toujours par une fatigue permanente due aux conditions difficiles auxquelles l’expose son travail comme ouvrière à l’usine comme nous le lisons justement dans ces phrases ouvrant quelques lettres de l’autrice : « Ma chère Albertine, Je crois sentir que tu as mal interprété mon silence. Tu crois, semble-t-il que je suis embarrassée pour m’exprimer franchement. Non, nullement ; c’est l’effort d’écrire, simplement, qui est trop lourd. » (P. 55) Et plus loin : « Chère petite, Il y a longtemps que je veux vous écrire, mais le travail d’usine n’incite guère à la correspondance. » (P. 70) L’on constate, d’après les deux extraits ci-dessus, que Simone Weil entame quelques unes de ses lettres par une explication de la raison derrière le retard qu’elle marque pour écrire ou répondre aux lettres de ses correspondant(e)s. Mais, généralement, c’est toujours la même raison qui revient à chaque fois sous différentes formes. Ainsi, dans ce première extrait, l’écriture n’est plus tâche facile vu la difficulté du travail à l’usine qui vide l’autrice de toute énergie, la fatigue et l’empêche de vaquer à autre chose en-dehors du travail. Néanmoins, le travail comme torture apparaît davantage dans les rapports interhumains au travail comme l’évoque Simone Weil dans ces termes : « Ce qu’un être humain peut vous faire de pire au monde, c’est de vous infliger des souffrances qui brisent la vitalité et par conséquent la capacité de travail » (P.55) L’on constate à travers le propos ci-dessus que le travail peut être infernal, se présenter sous forme d’un supplice auquel l’homme soumet son semblable. Il s’ensuit que le rapport de l’homme à l’homme se définit comme rapport d’un bourreau à sa victime. Le travail est ainsi torture imposée par l’autre, le patron, et que l’ouvrier endure jusqu’à l’épuisement. C’est une torture qui vide l’ouvrier de toute énergie. Encore faut-il ajouter que c’est l’organisation du travail qui transforme le travail en un supplice d’après l’autrice de La Condition ouvrière : « On travaille aux pièces, les normes sont dures, comme il est normal en tempe de crise, rien dans ma vie passée ne m’a préparée à ce genre d’efforts, et le découpage est, je crois, une des choses les plus dures qu’il y a parmi les travaux de femmes. (P.65) Dans l’œuvre de Simone Weil en général et dans cette citation en particulier, la souffrance associée au travail s’origine surtout dans les conditions du travail et précisément dans l’organisation du travail, ici le travail se fait aux pièces et l’ouvrier doit fabriquer un nombre donné de pièces pendant une durée déterminée. Cette façon d’organier le travail n’a, selon Simone Weil, aucun fondement logique : « le chronométrage se fait en dépit du bon sens » (p. 65). C’est dire que le travail se tourne en torture quand son organisation est déraisonnable, quand il est régi par l’arbitraire. La souffrance de Simone Weil l’ouvrière se veut double comme le laisse entendre cet extrait : « Le chronométrage se fait en dépit du bon sens ; mais il y a une moyenne à laquelle je devais arriver et à laquelle je n’arrive pas ; j’y ai d’autant de mal qu’étant là avant tout pour observer et comprendre, je ne puis obtenir de moi ce vide mental, cette absence de pensée indispensable aux esclaves de la machine moderne. » (P.p. 65-66) La torture liée au travail et à ses conditions est augmentée dans le cas de l’autrice, Simone Weil, qui souffre doublement : d’une part, elle souffre physiquement comme tous les autres ouvriers et de l’autre elle endure une souffrance mentale due à la pensée de la souffrance, au fait de penser la souffrance d’autrui (celle des ouvriers) et la sienne propre. En d’autres termes, Simone Weil souffre en tant qu’ouvrière et en tant que professeure agrégée se proposant à traduire l’expérience ouvrière et le ressenti des ouvriers. Disons, somme toute, que, pour l’autrice, il y a une souffrance réelle qu’elle vit dans sa chaire et une autre souffrance pensée : elle souffre en travaillant et souffre en pensant la souffrance. En revanche, les autres ouvriers ne souffrent que physiquement car ils travaillent en ayant la conscience endormie « absence de pensée », ils se réduisent à un corps travailleur ni plus ni moins. Mais, chez les autres ouvrières, la souffrance au travail est devenue une habitude, une seconde nature : « Une ouvrière qui est à la chaîne, et avec qui je suis rentrée en tram, m’a dit qu’au bout de quelques années, ou même d’un an, on n’arrive à ne plus souffrir, bien qu’on continue à se sentir abrutie. » (P.79) À la longue, les ouvriers, à en croire le témoignage de l’ouvrière que nous rapporte ici Simone Weil, finissent par composer avec la torture à laquelle les expose le travail et son organisation. Selon le témoignage en question, à force de souffrir, on finit par s’habituer à la souffrance, à ne plus en subir l’effet. Ainsi, ladite souffrance devient normale, ordinaire et l’ouvrier ne la ressent plus car il en est inconscient. En un mot, l’habitude neutralise la souffrance liée au travail. Toutefois, le fait que la torture cesse d’opérer quand elle est habituelle a pour corolaire l’abêtissement de l’ouvrier. Ajoutons au précité que les ouvriers ne sont pas que victimes de la souffrance qu'ils endurent au travail, bien au contraire, ils sont, à certains égards, auteurs de leur propre souffrance et ce car ils s'y résignent et n'agissent pas collectivement pour la contrecarrer, ils ne militent pas pour changer leur situation, ils se contentent de souffrir en silence. Weil constate dans ce sens qu’ : "Il est certain que les ouvrier ont mérité leur sort: seulement la responsabilité est collective et la souffrance est individuelle." (P. 79) À l’inverse des autres ouvriers, l’autrice n’est pas dans l’obligation de s’infliger la torture dont ils souffrent car elle n’est pas ouvrière à vie : « Quant à moi, vous devez vous demander ce qui me permet de résister à la tentation de m’évader, puisqu’aucune nécessité ne me soumet à ces souffrances. » (P. 79) Néanmoins, l’intérêt du propos ci-dessus réside dont le fait qu’il justifie la souffrance desdits ouvriers par la nécessité : ils acceptent la souffrance parce qu’ils sont dans le besoin. Ils sont contraints à souffrir pour répondre à leurs besoins élémentaires. Il s’agit, pour eux, de souffrir pour vivre ou plutôt pour survivre, leur survie en dépend. Nous pouvons aussi lire dans le cadre du rapport de Weil à la torture liée au travail ceci : « Ces souffrances, je ne les ressens pas comme miennes, je les ressens en tant que souffrances des ouvriers, et que moi, personnellement, je les subisse ou non, cela m’apparaît comme un détail presque indifférent. Ainsi le désir de connaître et de comprendre n’a pas de peine à l’emporter. » (P. 79) Simone Weil n’éprouve la torture due au travail que par détachement : elle ne se fait pas sienne la souffrance des ouvriers : elle l’accepte car c’est le tribut à payer pour pouvoir réaliser son projet heuristique consistant à explorer, de l’intérieur, le monde des ouvriers et accéder à leurs conditions de travail. Projet qu’elle place au-dessus de toute forme souffrance. Par-dessus bord de Michel Vinaver Dans l’œuvre de Michel Vinaver, la souffrance au travail découle de l’état de crise auquel l’entreprise Ravoire et Dehaze se trouve réduite. « Benoît Vous dire où nous en sommes où nous allons ? En ce moment nous raclons le fond et nous allons le racler encore un peu plus durement pendant quelque temps…» (P.p. 130-131) La situation difficile que connaît l’entreprise Ravoire et Dehaze n’est pas sans impacter les employés qui pâtissent de la situation en question comme le souligne la répétition du verbe « racler » à deux reprises pour mettre en relief et le mauvais moment par lequel passe l’entreprise et la souffrance qui en découle. Sous-axe II : Mais, il est torture créative. La torture associée au travail ne se veut pas stérile. Bien au contraire, elle se veut féconde en ce sens qu’elle est ce par quoi l’homme s’érige en créateur tout en réalisant son humanité. Les Géorgiques de Virgile La souffrance inhérente au travail n’est pas gratuite, loin s’en faut. Ainsi, nous apprenons dans Les Géorgiques de Virgile que caractérisant le travail par la dureté et la pénibilité Jupiter cherchait à pousser les mortels C’est justement ce que nous apprennent nous lisons dans que l’une des finalités du travail est de pousser l’homme à être inventif : « Son but (Jupiter) était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts, de faire chercher dans les sillons l’herbe du blé et jaillir du sein du caillou le feu qu’il recèle. » (P. 46) En d’autres termes, le travail se veut ici synonyme de création et travailler c’est créer. Pratiquement, l’homme étant livré à lui-même à la suite de la fin de l’âge d’or, il se trouve dans le besoin et pour y satisfaire il doit travailler. Mais pour ce faire, il est appelé à inventer « créer » les instruments et les techniques « différents arts » de travail et ce afin de faire fructifier la terre « chercher dans les sillons l’herbe du blé » et trouver une méthode d’allumage du feu « jaillir du sein du caillou le feu qu’il recèle. » Donc, dans le but de subvenir à ses besoins, l’homme est dans l’obligation de créer les outils de travail et cette création se veut l’expression de sa singularité, laquelle s’exprime davantage dans son action sur la nature qu’il soumet en toute liberté et qu’il change à sa guise pour assurer sa survivance. La Condition ouvrière de Simone Weil Dans La Condition ouvrière de Simone Weil, la dimension créative du travail réside dans la responsabilisation du travailleur en lui donnant des ordres plutôt ouverts comme le laisse entendre cet extrait de l’œuvre weilienne : « Quand les ordres confèrent une responsabilité à celui qui les exécute, exigent de sa part les vertus de courage, de volonté, de conscience et d’intelligence qui définissent la valeur humaine, impliquent une certaine confiance mutuelle entre le chef et le subordonné, la subordination est une chose belle et honorable. » (123) En d’autres termes, les ordres donnés par les chefs ne doivent pas être fermés, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’ils soient conçus d'une manière très minutieuse jusqu’à indiquer à l’ouvrier de la façon la plus précise et au détail près l’action à faire. Chose que réfute catégoriquement Simone Weil en avançant : « je ne puis accepter les formes de subordination où l’intelligence, l’ingéniosité, la volonté, la conscience professionnelle n’ont à intervenir que dans l’élaboration des ordres par le chef, et où l’exécution exige seulement une soumission passive dans laquelle ni l’esprit ni le cœur n’ont part. » (P. 123) Dans ce cas, ledit ouvrier réalise machinalement (puisque l’esprit et le cœur n’interviennent pas dans le travail) ce qui est demandé sans faire intervenir tout ce qui fait de lui un humain à savoir « le courage, le volonté, le conscience et l’intelligence qui définissent la valeur humaine ». Ainsi, l’ordre fermé confine le travailleur dans une « soumission passive » et l’empêche de participer, en tant qu’humain doté de tous les traits d’humanité précités, au travail qu’il est appelé à faire. Toutefois, le chef ne considère l’ouvrier comme étant un être humain qu’à partir du moment où il lui fait « confiance » en le responsabilisant. Ce qui le pousse alors à agir en humain en mobilisant les qualités qui font de lui un homme en l’occurrence « le courage… ». C’est dire que les ordres ouverts ont cette particularité de permettre à l’ouvrier d’agir, de travailler de manière plus active et partant de faire preuve d’inventivité même dans l’exécution des tâches qui, de ce fait, prendront sa marque et sa touche. Par-dessus bord de Michel Vinaver Dans son discours aux employés de l’entreprise dont il est le président, Benoît leur explique que la seule issue à la crise de Ravoire et Dehaze peut être autre qu’un travail acharné couronné par la création d’un nouveau produit : « Benoît … et puis nous allons bondir oui nous allons cesser de rester assis pour adopter une attitude bondissante… Avec le nouveau produit dont le lancement est prévu pour le début de l’année… » (P. 131) La souffrance que doivent endurer les employés de Ravoire et Dehaze n’est pas gratuite. Bien au contraire, c’est une torture qui sera couronnée par le lancement d’un nouveau produit. C’est dire qu’il s’agit ici d’une souffrance productive et créative en ce sens qu’elle est vécue dans le but de produire, de créer quelque chose de nouveau (un produit). Sous-axe III : Voire il est source de plaisir. Au-delà de l’aspect pénible et dur du travail qui l’assimile à la souffrance, le travail peut également être une activité pratiquée dans le plaisir. Le travail est source de plaisir comme l’exprime clairement le propos suivant des Géorgiques de Virgile : « Il y a plaisir à planter Bacchus sur l’Ismare et à vêtir d’oliviers le grand Taburne. » (P. 75) Virgile associe ici la plantation des vignes et des oliviers comme variantes du travail agricole non pas à la torture comme c’était le cas auparavant mais plutôt au plaisir. La Condition ouvrière de Simone Weil Le travail, au-delà de son aspect désagréable le réduisant à une activité se rattachant à la souffrance, peut être une source de plaisir. C’est ce que Simone Weil appelle de ses vœux quand elle invite les patrons à dépasser la simple volonté de soustraire les ouvriers à la pénibilité du travail pour leur procurer du bonheur : « Il ne suffit pas de vouloir leur éviter des souffrances, ils faudrait vouloir leur joie. » (P. 280) Il faut dire aussi que Simone Weil souhaite révolutionner les modes de pratique du travail au sein des usines de manière à rendre le travail plus gai. Le passage suivant est for probant à ce propos : « La solution idéale, ce serait une organisation du travail telle qu’il sorte chaque soir des usines à la fois le plus grand nombre possible de produits bien faits et des travailleurs heureux. Si par un hasard providentiel, on pouvait trouver une telle méthode de travail, assez parfaite pour rendre le travail joyeux, la question ne se poserait plus. » (P. 200) En tant que philosophe de la conciliation, Simone Weil tente de concilier les intérêts des patrons et le bien-être des ouvriers au travail en souhaitant qu’une organisation de travail optimisant la productivité au profit des patrons et garantissant l’épanouissement des ouvriers tout en donnant naissance à une forme utopique « solution idéale » de travail : un gai travail. Par-dessus bord de Michel Vinaver L’idée selon laquelle le travail est une tâche liée au plaisir n’est pas moins présente dans l’œuvre de Michel Vinaver comme nous remarquons à travers les deux extraits que voici : «Cohen Je vous dirai que je suis plus heureux maintenant le travail est plus intéressant» (P. 188) La réussite du nouveau produit de Ravoire et Dehaze à savoir « Mousse et Bruyère » fait la fierté des employés de l’entreprise et les pourvoit d’un sentiment de satisfaction. Conséquemment, le travail devient plus attrayant comme le montre l’adjectif « intéressant » et même une source de joie et de plaisir comme en témoigne l’adjectif « heureux ». « Dehaze Vous posez admirablement bien ce soir mademoiselle si vous saviez combien il est agréable de travailler dans ces conditions » Dans cette réplique de Dehaze, ce sont surtout les conditions de travail qui procure du plaisir, ici ce qui rend le travail un moment de plaisir c’est la coopération de l’autre qui y apporte du sien : la pose admirable de la demoiselle facilite la tâche du peintre qui n’est autre que Dehaze. L’usage des modalisateurs du discours : l’adverbe « admirablement » et l’adjectif « agréable » impliquant l’énonciateur dans son énoncé et marquant sa subjectivité et affichant l’appréciation de Dehaze et de la pose du modèle et de l’atmosphère du travail met en lumière le plaisir s’originant dans le travail.

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Radouane EL AMRAOUI

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