Lecture comparative des trois œuvres au programme. Axe: le travail comme moyen d’épanouissement, (Thème: le travail)

Entrée II : travail, individu et société Axe 1 : Le travail comme moyen d’épanouissement Travailler : donner du sens à son existenceLe travail comme tâche insignifiante. Le travail est cette activité humaine permettant à l’homme de se réaliser tout en occupant le temps. Mais, le travail ne se réduit pas à une simple occupation, loin s’en faut, il est cela par quoi l’homme se développe, évolue et s’épanouit. Pour ce faire, le travail devrait être cette activité qui donnerait du sens à la vie d’un individu. Dans cette optique, le travail devient cela qui justifie la vie, la raison suffisante d’une existence, la raison d’être d’un individu. En un mot, l’essence même d’une vie. Néanmoins, il semble paradoxal qu’une activité insignifiante en soi puisse être le pourquoi d’une vie, puisse justifier une existence. Travailler : donner du sens à l’existence. Dans une perspective existentialiste, l’essence des objets et des créatures autres que les humains précède leur existence. Autrement dit, ils sont prédestinés à jouer le rôle qui leur est échu, à accomplir la mission qui leur incombe d’accomplir. L’Homme, au contraire, arrive au monde d’abord et décide ensuite de son sort, il détermine son essence. Donc, pour lui, c’est l’existence qui précède l’essence. Il s’ensuit que le sens de l’existence des objets et des autres créatures est déterminé d’avance alors que le sens de l’existence de l’homme est à déterminer par ce dernier. Pratiquement, le travail est, entre autres activités, l’un des moyens donnant sens à l’existence de l’homme et partant lui permettant de s’épanouir. Ainsi, le travail donne sens à l’existence humaine à partir du moment où il constitue le centre d’une vie, l’activité principale d’un individu. Bref, quand le travail est l’équivalent de la vie, quand le travail égale la vie, quand l’homme ne vaut rien en-dehors du travail, quand ce dernier est la seule chose permettant à l’homme de passer du simple fait d’exister à celui de vivre, quand le travail est la raison de vivre, de se réveiller chaque jour et d’aller quelque part où l’on se sent utile, où l’on sert à quelque chose. Par-dessus bord de Michel Vinaver Dans le texte de Michel Vinaver, le changement de tâche pour Lubin, qui se voit passer d’un vendeur, d’un commercial à un simple employé chargé de remplir des fiches prend pour lui la proportion d’un licenciement camouflé comme en témoigne la réplique suivante du personnage en question : « Je suis né vendeur il me faut la route le contact avec la clientèle le goût de la victoire chaque fois que j’enlève une commande je leur ai dit Ravoire et Dehaze c’est toute ma vie mais il n’y a plus la maison Ravoire et Dehaze il y en aura une autre je leur ai dit vous me voyez remplir des fiches entrée et des fiches sortie du matin au soir ? » (Michel Vinaver, Par-dessus bord, p. 219) Le propos de Lubin met l’accent sur sa vocation de vendeur « je suis né vendeur ». Voire être vendeur est plus qu’une vocation pour Lubin, c’est même un destin, il est destiné à être vendeur ; cette profession donne sens à son existence. En outre, cette activité est une nécessité pour lui, c’est ce qui le maintient en vie, c’est ce pourquoi il est au monde comme le souligne la modalité jussive : « il me faut la route le contact avec la clientèle ». Ce travail se veut sa raison d’être, le pourquoi de son existence. De surcroît, il est à noter que la vie entière de Lubin est réduite à son travail comme le laisse entendre cette déclaration imprégnée de regret du même Lubin : « je leur ai dit Ravoire et Dehaze c’est toute ma vie mais il n’y a plus la maison Ravoire et Dehaze ». Lubin regrette l’assimilation de l’entreprise française par le géant américain qui met fin à l’existence de la première comme le montre l’usage de la négation avec « ne… plus ». Aussi la disparition de Ravoire et Dehaze s’accompagne-t-elle d’une dégradation du statut de l’employé, Lubin, qui perd sa fonction de vendeur, laquelle donnait sens à sa vie, le valorisait et à laquelle tenait sa vie, qui était même sa vie comme en rend le recours au déterminant de totalité « toute » dans « Ravoire et Dehaze c’est toute ma vie » Autrement dit, la vie de Lubin se réduit à son travail au sein de l’entreprise française, sa vie est dans son travail, sa vie c’est son travail. Cela n’est pas sans affirmer que c’est le travail de Lubin qui justifie sa vie ; s’il vit c’est justement pour exercer son métier de vendeur, c’est ledit métier qui donne sens à sa vie et en-dehors de son travail sa vie perd essence et saveur. Chose qu’explique encore une fois le regret qu’exprime Lubin à la suite de l’intégration de l’entreprise française à celle américaine et sa reconversion professionnelle forcée. À cela s’ajoute le fait que le travail exercé par amour et dévouement est couronné par des exploits faisant la fierté du travailleur : « il me faut la route le contact avec la clientèle le goût de la victoire chaque fois que j’enlève une commande », dit Lubin. Dans ce sens, le travail devient moyen d’épanouissement de l’individu et ce à partir du moment où il permet de réaliser des exploits, d’avoir « le goût de la victoire » procurant de l’estime de soi. Pour tout dire, le travail épanouit d’une part car il est raison d’être, il est cela qui donne sens à l’existence et de l’autre grâce aux exploits qu’il permet de réaliser et qui augmentent l’estime de soi. 2. Le travail comme tâche insignifiante. S’il est vrai, d’après le précité, que le travail est moyen d’épanouissement de celui qui l’exerce et ce en donnant sens à l’existence de ce dernier, il n’en demeure pas moins qu’il est inimaginable que l’aspect insignifiant du travail lui permette de justifier toute une existence. En d’autres termes, le travail ne peut pas être source de sens et ce à partir du moment où il est en soi insignifiant. Cela est surtout manifeste dans le caractère répétitif du travail qui le vide de sens comme le souligne à juste titre la réplique suivante de Margerie : « Manger travailler dormir » Le propos concis de Margerie est lourd de sens : il inscrit le travail dans un cercle vicieux dans lequel il alterne avec la nourriture et le sommeil. À force de se répéter, le travail perd de son sens, il devient une tâche mécanique qu’on exerce de façon automatique. Ainsi le travail est-il une tâche monotone et routinière et le lieu de travail un lieu de croupissement et non d’épanouissement. Les Géorgiques de Virgile Travailler : donner du sens à son existence Dans Les Géorgiques de Virgile, le travail est présenté, dans l’ensemble de l’œuvre, sous un jour heureux et ce car le discours virgilien sur le travail se veut laudatif/élogieux. Cette vision du travail nous autorise à dire que le travail dans l’œuvre virgilienne est une activité assurant l’épanouissement du travailleur. Chose que souligne le propos suivant tiré de l’œuvre en question : « D’ailleurs, quand le soleil d’or a mis l’hiver en fuite et l’a relégué sous la terre, quand le ciel s’est rouvert à l’été lumineux, aussitôt les abeilles parcourent les fourrés et les bois, butinent les fleurs vermeilles, et effleurent, légères, la surface des cours d’eau. Transportées par je ne sais qu’elle douceur de vivre, elles choient leurs couvées et leurs nids ; elles façonnent alors avec art la cire nouvelle et composent un miel consistant. » (P. 148) C’est dire que l’été est la saison où les abeilles se montrent plus actives comme en rend compte l’énumération des verbes d’action décrivant les multiples actions entreprises par lesdites abeilles : « parcourent, butinent, effleurent ». L’effet de la saison estivale ne se limite pas dans le fait de mettre en branle les abeilles, il atteint son paroxysme dans leur exaltation dans l’enthousiasme qui les anime et leur donne goût à la vie comme nous le lisons dans ces termes : « Transportées par je ne sais qu’elle douceur de vivre ». Cet état d’ivresse et d’épanouissement dans lequel se trouvent les abeilles à l’arrivée de l’été les poussent à travailler comme l’affirme le rapport de causalité entre l’enthousiasme des abeilles (cause) et leur activisme (conséquence) : « Transportées par je ne sais qu’elle douceur de vivre, elles choient leurs couvées et leurs nids… ». Ainsi, dire que l’enthousiasme des abeilles s’exprime dans le travail auquel elles s’attellent, c’est affirmer que le travail est associé ici à l’exaltation et à l’épanouissement des abeilles, que c’est dans le travail qu’elles s’épanouissent. Ce qui fait, incontestablement, du travail un moyen d’épanouissement. À cela s’ajoute le travail d’écriture comme activité fondamentale du poète Virgile. L’écriture poétique est une tâche lui permettant de meubler le temps, donc de donner sens à son existence. Lisons à ce propos la déclaration suivante de poète en question : « Mais le temps fuit, et il fuit sans retour, tandis que séduits par notre sujet nous le parcourons dans tous ses détails. » (P. 127) Ainsi, composer des chants célébrant le travail agricole se veut un travail justifiant toute une existence, ici celle de Virgile, néanmoins, la poésie ne se réduit pas ici à une simple occupation, elle est une activité qui se fait dans le plaisir car son objet est subjuguant, attrayant comme le prouve l’utilisation de l’adjectif « séduits » et étant donné qu’on ne peut pas être « séduits » par quelque chose de désagréable donc l’écriture poétique en tant que travail ne peut déboucher que sur l’épanouissement du poète. Bref, la poésie est raison d’être du poète et cause de son épanouissement car elle porte sur un sujet intéressant et accrochant. 2. Le travail comme tâche insignifiante. En revanche, le travail demeure une activité insignifiante eu égard à son aspect répétitif la rendant rébarbative et l’inscrit dans la monotonie. À vrai dire, l’éternel retour du même travail en fait une activité on ne peut plus mécanique que l’homme exerce avec détachement et insensibilité. Ce retour inlassable et lassant du même travail apparaît clairement, dans l’œuvre de Virgile, dans ces termes : « Il y a encore, parmi les soins dus aux vignes, un autre travail, et qui n’est jamais épuisé : il faut en effet trois ou quatre fois l’an fendre tout le sol, et en briser éternellement les mottes avec le revers des bidents ; il faut soulager tout le vignoble de son feuillage. Le travail des laboureurs revient toujours en un cercle, et l’année se déroulant le ramène avec elle sur ses traces. » (P. 96) Disons, en d’autres termes, que le caractère répétitif du travail est manifeste dans le propos virgilien ci-dessus à travers les adverbes de temps « encore, toujours » qui mettent l’accent sur la persistance du travail de l’agriculteur dans le temps ainsi que sur le retour et la répétition dudit travail sans fin/répit comme le dit la négation catégorique de l’épuisement du travail en question dans « qui n’est jamais épuisé. » et le confirme l’adverbe « éternellement » sans omettre le caractère cyclique et la structure ouroborique que revêt le travail comme en rend compte l’expression « en un cercle » Ayant, maintenant, établi que le travail est une activité insignifiante, d’après le précité, il serait donc difficile d’imaginer une telle activité marquée par un aspect rébarbatif donner sens à une existence. La Condition ouvrière de Simone Weil Travailler : donner du sens à son existence L’idée selon laquelle le travail est une activité justifiant la vie d’un individu n’est pas moins présente dans La Condition ouvrière de Simone Weil. En fait, le travail acquiert du sens à partir du moment où le rapport de causalité liant l’effort fourni et la récompense est maintenu comme en témoigne l’extrait suivant de l’œuvre de Weil : « Ces soirs-là, je sentais la joie de manger un pain qu’on a gagné. » Autrement dit, c’est grâce au travail que Weil et les autres ouvriers « gagnent » le pain qu’ils mangent. C’est dire que ledit travail n’a de sens que s’il est couronné par une rétribution. Cette dernière se veut une reconnaissance de l’effort fait, c’est elle qui donne de l’importance au travail et le rend intéressant. Mais au-delà de cette relation causale entre le travail et le gain qu’il génère et qui fait de ce dernier (le gain) une motivation du premier (le travail) (c’est parce qu’on est payé qu’on travaille), et c’est, par ricochet, toute la vie du travailleur qui est valorisée vu que le travail est inclus dans ladite vie. En résumé, le salaire confère du sens au travail et ce rapport motivé justifie la vie du travailleur car un travail reconnu et récompensé signifie que ledit travailleur est utile et pour soi et pour les autres, et que son travail n’est pas gratuit et insignifiant. Conséquemment, l’estime qu’a le travailleur de soi augmente à partir du moment où son travail lui permet de servir à quelque chose et partant d’avoir une place parmi les membres de la société. Ajoutons au précité, que l’épanouissement du travailleur ne passe pas que par le sens que confère le travail à sa vie mais il trouve son expression la plus complète dans le sentiment de joie dont il est le catalyseur comme en rend compte le ressenti de Weil : « je sentais la joie.. ». Bref, un travail estimé à sa juste valeur donne sens à toute une vie, l’égaie et par conséquent aboutit à l’épanouissement du travailleur. Dans ce même ordre d’idées, l’épanouissement dont le travail est catalyseur se réalise en dépit des dures conditions où on l’exerce. C’est ce que nous apprend Simone Weil dans ce propos tiré de l’une de ses lettres à Albertine Thévenon : « une usine, cela doit être ce que tu as senti ce jour-là à Saint-Chamond, ce que j’ai senti si souvent, un endroit où on se heurte durement, douloureusement, mais quand même joyeusement à la vraie vie. » (P. 57) Disons que, pour la philosophe, l’usine, comme lieu de travail, est doublement caractérisé : il est cet espace où s’enchevêtrent douleur, comme le souligne l’adverbe « douloureusement », et bonheur, comme le confirme l’adverbe « joyeusement ». C’est dire que le travail à l’usine permet de concilier les contraires d’où le recours au mode concessif « une usine, cela doit être… mais… » permettant de réunir à la fois la torture à laquelle les ouvriers sont confrontés d’une part et les moments de bonheur qu’ils peuvent vivre à l’usine de l’autre. En posant le travail comme activité faisant cohabiter les contraires, Simone Weil en propose une nouvelle conception selon laquelle le travail en question ne se réduit pas à une tâche associée uniquement à la peine mais qu’il peut également se rattacher à la joie. Donc le travail est cette expérience où l’homme éprouve douleur et joie, plaisir et déplaisir. Autrement dit, à travers le travail, l’homme ressent les sensations contraires qui font la vie réelle, laquelle est jalonnée par des dualités (bien vs mal…) Il s’ensuit alors que vivre ces deux sensations moyennant le travail permet à l’homme d’accéder à ce que la vie a de plus concret, de plus réel et ce en ressentant à la fois la souffrance due à ce travail mais aussi en réussissant à passer outre cette peine pour jouir, par-delà cette dernière, de moments de joie. Force donc est de constater que le travail est cela par quoi l’homme vit concrètement à la fois souffrance et joie et se réalise, par là même, et dans l’une et dans l’autre. Cela n’est pas, tout compte fait, sans rendre possible l’épanouissement du travailleur qui se voit vivre l’expérience complète des sensations contraires. De plus, l’épanouissement auquel aboutit le travail découle aussi de l’acceptation, à cœur joie, des conditions difficiles de travail quand elles sont nécessaires. À ce propos, Simone Weil évoque son expérience de travailleuse aux champs dans ces termes : « Longtemps avant de travailler en usine, j’avais appris à connaitre le travail des champs […] et malgré des fatigues accablantes j’y avais trouvé des joies pures et profondes. Croyez bien aussi que je suis capable de me soumettre avec joie et avec le maximum de bonne volonté à toute discipline nécessaire à l’efficacité du travail, pourvu que ce soit une discipline humaine. » (P. 174) Ainsi, en partageant son expérience de travail aux champs avec son destinataire Auguste Detœuf[1], la philosophe lui présente des preuves de sa capacité à supporter le travail pénible qu’elle va exercer dans la compagnie dont il est le patron. Par ailleurs, elle engage sa parole dans la deuxième partie du propos précité en invitant Detœuf à lui faire confiance quant à son aptitude à mener à bien les tâches d’une ouvrière comme le montre l’usage de l’impératif pour le verbe « croire » dans « Croyez bien aussi que je suis capable de me soumettre… » En outre, Simone Weil ne manque pas de souligner que la joie comme expression d’épanouissement peut se dégager de la dureté du travail comme en témoigne le mode concessif : « malgré des fatigues accablantes j’y avais trouvé des joies pures et profondes. » où la fatigue due au travail côtoie la joie, la sensation désagréable côtoie celle agréable et le déplaisir côtoie le plaisir. Or, c’est dans le déplaisir même et l’exténuation causés par le travail qu’est tapi le plaisir et la gaieté comme le prouve l’utilisation du pronom « y » pour reprendre l’élément « des fatigues accablantes » qui fait office de creuset de joie et de lieu où il faudrait chercher la gaieté. Aussi, l’asservissement de Weil aux conditions de travail « discipline » se veut volontaire voire c’est une servitude euphorique car elle est mêlée à la gaieté comme le confirme le complément du verbe « avec joie » précisant le sens de l’infinitif « me soumettre ». Ladite servitude volontaire n’est réalisable que si et seulement si son objet est « nécessaire ». Autrement dit, afin de transcender les conditions pénibles de travail, il est capital de les accepter et de s’y soumettre à cœur joie et ce pour pouvoir accéder à l’épanouissement même dans les circonstances les plus dures, mais dont la dureté est une nécessité. Toutefois, s’il est vrai que le travail est moyen d’épanouissement du travailleur, il n’en demeure pas moins qu’il est aussi une activité insignifiante. 2. Le travail comme tâche insignifiante. Il va sans dire que l’aspect répétitif du travail, comme nous l’avons déjà constaté dans les deux autres œuvres au programme, en fait une activité marquée par la monotonie et partant exercée dans l’ennui et d’une manière mécanique, chose qui la vide de tout sens. L’éternel retour du travail est surtout manifeste dans cette critique de Simone Weil de l’alternance travail et réponse au besoin élémentaire de se nourrir : « On travaille seulement parce qu’on a besoin de manger. Mais on mange pour pouvoir continuer à travailler. Et de nouveau on travaille pour manger. » (P. 263) Dit autrement, le retour du travail et son association à un besoin primaire, celui de « manger » tue le travail en le bornant à une activité physique dont la finalité est de répondre à un besoin physique. Cela, évidemment, n’est pas sans vider le travail de sa dimension immatérielle en le réduisant à une action machinale. Il en résulte que le travail en question perd de son sens et empêche le travailleur de le pratiquer dans la joie et d’y être épanoui. Dans cette même optique, l’aspect répétitif du travail le rend repoussant comme l’évoque Simone Weil en disant que « le dégoût envahit l’âme, au cours d’une longue période de travail monotone ». Ce propos weilien met en évidence la conséquence immédiate du « travail monotone » et qui n’est autre que la répulsion « dégoût ». Ce qui n’est pas sans écarter l’idée d’épanouissement. Mais, au-delà de ladite conséquence, le changement de tâche pour l’ouvrier est encore pire que la monotonie car il le dépossède de son propre être comme nous le lisons sous la plume de Simone Weil dans ces termes : « Le travail nouveau est imposé tout d’un coup, sans préparation, sous la forme d’un ordre auquel il faut obéir immédiatement et sans réplique. Celui qui obéit ainsi ressent alors brutalement que son temps est sans cesse à la disposition d’autrui. » (P. 228) Ainsi être constamment disponible pour les autres « sans cesse à la disposition d’autrui » signifierait être l’objet et la chose de l’autre, lequel en disposera comme bon il lui semble. Et dans le contexte de l’œuvre weilienne, c’est se réduire à l’état d’un simple instrument de production ni plus ni moins. Ce caractère aliénant et asservissant du travail empêche certainement le travailleur de s’épanouir et encore moins de donner un sens à son existence et ce parce que celle-ci appartient, ne serait-ce que partiellement (pendant la durée que l’ouvrier consacre au travail), à son supérieur hiérarchique et en général à un travail exercé dans des conditions rendant difficile la réalisation et l’affirmation de soi. Ajoutons au susmentionné que c’est le caractère non justifié de la paie qui dénue le travail de l’ouvrier de tout sens. C’est justement dans ce sens que Simone Weil dit : « Des scènes de paie. On défile comme un troupeau, devant le guichet, sous l’œil du contremaître. On ne sait pas se qu’on touchera : il y aurait toujours à faire des calculs tellement compliqués que personne ne s’en sort, et il y a souvent de l’arbitraire. Impossible de se défendre du sentiment que ce peu d’argent qu’on vous passe à travers le guichet est une aumône. » (P. 158) Tout se passe ici comme si la paie que perçoit l’ouvrier relevait de la charité et ne constituait pas un salaire perçu pour un travail fait ; si comme si on payait les ouvriers pour autre chose que pour l’effort fourni. Dans cette logique, le rapport causal entre travail et salaire est rompu et le salaire ne justifie plus le travail et partant c’est la vie de l’ouvrier qui perd de son sens étant donné que l’activité centrale (le travail) qu’il exerce dans ladite vie n’est pas reconnue. Dans ce sens, le terme « aumône » est for révélateur et ce à partir du moment où il met en lumière l’idée d’une aide financière destinée à des nécessiteux et non pas une contrepartie d’un travail réalisé par l’ouvrier. En définitive, la non-reconnaissance du travail effectué par l’ouvrier nuit même à l’essence de sa vie car le travail qui pourrait justifier cette dernière et lui donner sens ne valait pour rien du moins aux yeux des supérieurs qui ignorent complètement l’effort fourni par le travailleur. Synthèse rédigée par Radouane ELAMRAOUI [1] Auguste Detœuf (1883-1947) est un industriel et essayiste français. Il fonde en 1928 la compagnie Alsthom. C’est par une intervention de Boris Souvarine auprès d’Auguste Detœuf que Simone Weil a pu entrer chez Alsthom à l’hiver 1934.

Lecture comparative des trois œuvres au programme. Axe: le travail comme moyen d’épanouissement, (Thème: le travail)

Radouane EL AMRAOUI

Lire la suite

Synthèse de lecture comparative (7) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le comédien comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (8) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (02)

Synthèse de lecture comparative (6) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (01)

Synthèse de lecture comparative (5) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (4) des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (3) (Thème: faire croire)

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (2) (Thème: faire croire)

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Synthèse de lecture comparative (7) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le comédien comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (8) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (02)

Synthèse de lecture comparative (6) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (01)

Synthèse de lecture comparative (5) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (4) des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (3) (Thème: faire croire)

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (2) (Thème: faire croire)

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Synthèse de lecture comparative (09) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : De la nécessité de croire.

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (4) (Thème: faire croire)

Synthèse de lecture comparative (7) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le comédien comme figure du faire croire.

Aperçu sur l’axe: le comédien comme figure du faire croire dans “Lorenzaccio” d’Alfred de Musset.

Synthèse de lecture comparative (8) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (02)

Lire la suite

Synthèse de lecture comparative (7) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le comédien comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (8) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (02)

Synthèse de lecture comparative (6) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le triomphe de la vérité (01)

Synthèse de lecture comparative (5) des œuvres au programme de l’année 2023-2024, thème: faire croire, autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Synthèse de lecture comparative (4) des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire.

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (3) (Thème: faire croire)

Traitement intégral d’un sujet de dissertation (2) (Thème: faire croire)

Lecture comparative des œuvres au programme de l’année 2023-2024 autour de l’axe : Le menteur comme figure du faire croire

Articles Liés

Nous avons remarqué que vous bloquiez nos publicités.