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« La force de vivre » : sujet de dissertation (2)

Sujet :

          « D’après Carl-Gustave JUNG : « La crise, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas du hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un nouveau chemin de vie. »

Vous commenterez et discuterez l’affirmation ci-dessus à la lumière du thème de cette année « la force de vivre » et de votre lecture des œuvres inscrites au programme. »

Analyse de la citation

La citation objet d’analyse se compose de deux phrases. La première met l’accent sur  le caractère motivé de l’adversité (à laquelle réfère le sujet de ladite phrase constitué de « la crise, les bouleversements et la maladie »)  comme en témoigne la négation par « ne… pas » du fait qu’elle soit le fruit/le produit du « hasard » : l’adversité n’est, loin s’en faut, pas arbitraire et encore moins immotivée. Si ladite adversité se veut motivée, il y a lieu de s’interroger sur ce qui la motive,  ce qui la justifie. La réponse fera l’objet de la seconde phrase et s’exprimera dans des termes suggérant le balisage, le guidage, la découverte, l’expérimentation, termes qui semblent dénoter, dans leur contexte, l’idée de diriger l’homme « nous » vers une nouvelle vie, un vécu autre comme le soulignent les adjectifs « nouvelles, nouveau ».  C’est dire que ce qui justifie l’adversité c’est qu’elle dirige l’homme vers un nouveau vécu.

Reformulation

          Autrement dit, le mal/ l’adversité, loin d’être arbitraire, guide l’homme vers une vie inédite.

          Dit autrement, l’adversité se veut motivée en ce sens qu’elle permet à l’homme de découvrir de nouvelles façons de mener sa vie.

          En d’autres termes, la raison d’être du mal est d’ouvrir la voie au changement, au renouvellement de la vie.

Problématique

Cela étant dit, ne convient-il pas de se demander si l’adversité, au lieu de conduire l’homme vers une vie inédite, ne fait que rendre ladite vie invivable, désagréable, insupportable.

Plan détaillé

II. Certes, le mal est facteur de changement et de renouvellement de la vie.

Argument 1 : La détresse est chance de résilience.

Exemple 1 :

          « Maintenant que du deuil qui m’a fait l’âme obscure

                    Je sors, pâle et vainqueur, »

             (Victor HUGO, Les Contemplations, Livre IV : Pauca meæ, « À Villequier », p. 83)  

Exemple 2 :

          « Gai savoir : cela veut dire les saturnales d’un esprit qui a résisté patiemment à une terrible et longue oppression- patiemment, fermement, froidement, sans s’incliner, mais sans espoir -, et qu’envahit soudain l’espoir, l’espoir de la santé, l’ivresse de la guérison. »

          (Friedrich NIETZSCHE, premier paragraphe de la préface à la seconde édition du Gai savoir, p. 25.)  

Exemple 3 :

          « papa, je veux vivre, je suis encore petite. »

(Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, Nikolaï Fomitch Kalouguine, un père, « Monologue sur une vie entière écrite sur une porte », p. 46)

Argument 2 : La détresse permet le devenir de l’individu.

Exemple 1 :

« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière.

             La seconde âme  en nous se greffe à la première ;

             Toujours la même tige avec une autre fleur.

             J’ai connu le combat, le labeur, la douleur,

             Les faux amis, ces nœuds qui deviennent couleuvres ;

             J’ai porté deuils sur deuils ; j’ai mis œuvres sur œuvres ; »

   (Victor HUGO, Les Contemplations, Livre V : En marche, « Écrits en 1846», p. 112)    

Exemple 2 :

« Mais nous, nous voulons devenir ceux que nous sommes, – les nouveaux, ceux qui n’adviennent qu’une seule fois, les incomparables, ceux qui se donnent à eux-mêmes leur loi, ceux qui se créent eux-mêmes. »

 (Friedrich NIETZSCHE, Le Gai savoir, fragment 335 : « Vive la physique ! », p. 272.)  

Exemple 3 :

          « Ma première réaction a été d’appeler ma femme et de l’avertir, mais tous les téléphones de l’institut étaient sur écoute. Oh ! Cette peur éternelle que l’on nous a inculquée pendant des décennies ! Et les miens qui ignoraient tout ! […] Téléphoner pouvait m’attirer des problèmes : me valoir le retrait de mon habilitation au secret. Mais je n’ai pas pu me retenir et j’ai décroché le combiné. »

          (Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, Valentin Alexeïevitch Borissevitch, ancien chef de laboratoire de l’institut de l’énergie nucléaire de l’académie des sciences de la Biélorussie, une mère, « Monologue sur de vieilles prophéties », p. 177)

II. Mais, le mal peut également détériorer/endommager ladite vie.

Argument 1 : il assombrit la vie.

Exemple 1 :

          « J’assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ;

            Puisque je suis à l’heure où l’homme fuit le jour,

            Hélas ! et sent de tout la tristesse secrète ; »

(Victor HUGO, Les Contemplations, Livre IV : Pauca meæ, « Veni, vidi, vixi », p. 80)  

Exemple 2 :

          « Vivre au milieu de ce dédale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mélancolique. »

          (Friedrich NIETZSCHE, Le Gai savoir, fragment 278 : « La Pensée de la mort », p. 227.)  

Exemple 3 :

          « Je devais savoir que ce n’était pas de notre faute… La faute de notre amour… (Elle ne peut plus se retenir et pleure.) »

          (Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, Larissa Z., une mère, « Monologue sur de vieilles prophéties », p. 92)

Argument 2 : il est mortifère.  

Exemple 1 :

          « Ô Seigneur ! ouvrez-moi les portes de la nuit,

             Afin que je m’en aille et que je disparaisse ! »

(Victor HUGO, Les Contemplations, Livre IV : Pauca meæ, « Veni, vidi, vixi », p. 80)

Exemple 2 :

   NIETZSCHE critique l’attitude pessimiste de SOCRATE par laquelle ce dernier  justifie le choix de la  mort ainsi :

« Oh, Criton, la vie est une maladie ! » Est-ce possible ! Un homme tel que lui, qui a vécu gaiement et, aux yeux de tous, comme un soldat, était pessimiste ! »

(Friedrich NIETZSCHE, Le Gai savoir, fragment 340 : « Socrate mourant », p. 279)

Exemple 3 :

           « Le pronostic du mal aigu des rayons est de quatorze jours… L’homme meurt en quatorze jours. »

(Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, Lioussienka, « Une voix solitaire », p. 18)

III. Par ailleurs, qu’il dirige l’homme vers une nouvelle vie ou qu’il perturbe celle-ci, le mal fait l’objet d’une esthétisation.

Argument 1 : Littérature et philosophie véhiculent le mal (elles sont capables de porter le mal, de l’exprimer)

Exemple 1 :

          C’est grâce aux vers et à la poésie que Victor HUGO donne forme à la fois à sa douleur de poète endeuillé mais aussi à la mort de sa fille. Dans ce sens, la poésie est ce mode d’expression capable de dire l’indicible, d’exprimer l’inexprimable et de décrire l’indescriptible qui n’est autre que la mort.

Exemple 2 :

           Le Gai savoir, comme œuvre philosophique, est un moyen permettant au Philosophe Friedrich NIETZSCHE de dire sa maladie de la mettre en mots surtout dans les quatre paragraphes de la préface à la seconde édition bien que cette maladie soit située dans le passé dudit philosophe étant donné que  Le Gai savoir se veut le livre d’un convalescent, d’un renaissant. Lisons à ce propos le passage suivant :

« Tout ce livre n’est justement rien d’autre qu’une réjouissance qui succède à une longue privation et une longue impuissance, l’exultation de la force qui est de retour… »

(Friedrich NIETZSCHE, premier paragraphe de la préface à la seconde édition du Gai savoir, p. 26)  

Exemple 3 :

« J’ai envie de parler de la mort. De comprendre. Je cherche dans les journaux et les livres. Je vais voir des pièces qui parlent de la mort. »

          (Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, Valentina Timofeïevna Panassevitch, épouse d’un liquidateur, « Une autre voix solitaire », p. 240) 

Argument 2 : de manière à le rendre supportable voir agréable.  

Exemple 1 :

          « Ou plutôt, car la mort n’est pas un lourd sommeil,

             Envolez-vous tous deux dans l’abîme vermeil,

             Dans les profonds gouffres de joie,

             Où le juste qui meurt semble un soleil levant,

             Où la morte au front pâle, est comme un lys vivant, »

(Victor HUGO, Les Contemplations, Livre IV : Pauca meæ, « Charles VACQUERIE», p. 95)

Exemple 2 :

          « voir les choses de biais et comme en raccourci – ou bien les disposer de telle manière qu’elles soient partiellement masquées et  ne permettent que des aperçus en perspective – ou bien les contempler à travers un verre teinté ou à la lumière du crépuscule – ou les doter d’une surface et d’une peau qui n’offrent pas de transparence parfaite : c’est tout cela que nous devons apprendre des artistes. »

(Friedrich NIETZSCHE, Le Gai savoir, fragment 299 : « Ce que l’on doit apprendre des artistes », p. 244.)  

Exemple 3 :

          « « Pendant la guerre […], dix membres de notre famille sont morts. Maman n’arrêtait pas de pleurer. Une vieille mendiante est passée dans le village : «  Tu es triste ? lui a-t-elle dit. Il ne faut pas pleurer car celui qui donne sa vie pour les autres est un saint. » »

(Svetlana ALEXIEVITCH, La Supplication, « Monologue d’un village : comment appeler les âmes du paradis pour pleurer et manger avec elles », p. 54)

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